
Dans notre deuxième partie (précédente) de cette fiche de lecture menée sur le présent ouvrage "Musulmans au quotidien : Une enquête européenne sur les controverses autour de l’islam", nous avions présenté la démarche scientifique de l'auteur. Dans cette partie, nous allons présenter une analyse centrée sur les différents sujets abordés dans l'ouvrage (Islam et musulman dans l'espace public européen).
Analyse et critique des différents sujets abordés
L’auteur a choisi d’introduire son livre achevé avant les attentats de janvier 2015, par un avant-propos sur cet évènement qui bouleverse la possibilité de vivre ensemble. Cet acte terroriste n’ayant pas de rapport avec le vécu de la majorité des musulmans d’Europe. Les manifestations suite à l’attaque terroriste ont fait preuve de citoyenneté malgré tout, les musulmans ordinaires ont exprimé leur citoyenneté par le rejet de cet acte terroriste commis au nom de l’Islam.
Ce qui est dommage est qu’aucune enquête n’a été menée pendant cette période sur le vécu des effets néfastes de cet évènement par les musulmans et les non musulmans, afin d’évaluer la possibilité de faire société et avoir un retour concret au lieu de résumer la possibilité d’un vivre ensemble en se limitant aux manifestations.
L’auteur entame ensuite le sujet des interrogations sur la compatibilité ou non de l’Islam avec les valeurs occidentales, par la confrontation des citoyens de "souche" et les citoyens "migrants" religieux qui partagent le même espace public sans partager les mêmes convictions.
La visibilité de l’Islam dans la vie publique produit des effets négatifs (inquiétude, menace, etc.) d’où l’intérêt par l’auteur à explorer les interactions des citoyens de convictions multiples, pour clarifier les ambiguïtés causées par l’apparition de l’Islam dans l’espace public européen.
Europe entrée interdite à l’Islam ?
L’auteur rappel certains évènements comme l’affaire du foulard en France et la fatwa de mort lancée contre l’auteur des versets satanique en Angleterre qui ont rendu évident la présence dérangeante de l’Islam en Europe. Les débats sur l’identité nationale, la culture de référence se sont multipliés pour insinuer que l’Islam opprime les femmes et empêche la liberté d’expression.
Dans ce contexte souvent très violent par l’amplification de controverses autour de l’Islam et sa manifestation dans l’espace public européen, entrainent des mouvements contre l’Islam, les musulmans se trouvent exclus.
L’auteur se demande s’il existe une autre issue pour que l’espace public soit favorable au pluralisme démocratique.
Des musulmans ordinaires
En parallèle des controverse l’auteur mets le point sur l’émergence de nouvelles voix musulmanes. A travers la notion de musulmans ordinaires qui définit un profil de croyants investis dans la vie sociale, engagés par leur apparence à leur appartenance musulmane sans être des militants islamiques. L’auteur essaie de démontrer la possibilité de création des liens avec les concitoyens non musulmans.
Le choix des participants limite le champ expérimental, n’intègre pas les jeunes écoliers, les lyciens, les personnes âgées, les femmes aux foyers, les chercheurs d’emploi. Par conséquence une question se pose d’elle-même : Avec cette catégorie de musulmans serait-t-il possible de faire société ?
Les controverses autour de la prière musulmane
L’auteur a introduit ce chapitre par l’importance de la prière dans la vie des musulmans et avec une parole attribuée au prophète Mohammed sur les lieux de prière.
Elle a ensuite présenté deux cas de figures autour de la prière en public, une accomplie d’une manière collective dans une rue à Paris (prière de vendredi) et l’autre accomplie d’une manière individuelle par un écolier dans un couloir d’une école en Allemagne.
La comparaison de la prière de rue à l’occupation et la considération de la prière à l’école comme une atteinte à la neutralité ont été mis en avant pour interdire les prières en public.
Certes, chacun a le droit de manifester ses pratiques religieuses tant qu’en privé qu’en public en faisant valoir les principes de liberté de conscience et de culte. Mais n’existent-ils pas d’autres moyens pour que ce rituel important soit facile à respecter et accomplir dans l’espace européen ?
Une enquête a été menée à Bologne autour de la controverse de la prière en public, suite à la prière accomplie par des manifestants lors de leur soutien de la population palestinienne de gaza qui a déclenché ensuite un mouvement non aux mosquées.
Lors de la réunion organisée, les principes de communication à l’intérieur du groupe n’ont pas été respecté par les citoyens non musulmans brisant l’interaction avec les autres participants ce qui a mené à un disfonctionnement de ce groupe de travail.
Les constats ont été d’une part en faveur des musulmans qui ont fait preuve de silence et de patience et ont mis en évidence d’autre part l’hostilité, l’agressivité des autres participants.
Ces constats ne peuvent pas être généraliser à l’ensemble des concitoyens, le travail effectué dans un cercle restreint ne peut pas être une image de la société entière. Cependant, le disfonctionnement de ce groupe considéré comme un échec à la capacité d’inclusion par l’auteur peut être un point de réflexion sur des moyens plus efficaces pour pouvoir établir le dialogue dans les cas difficiles.
Minarets muets, mosquées transparentes
L’auteur entame le sujet par une définition de la mosquée et de son rôle pour les musulmans, différents lieux ont apparu pour répondre au besoin des musulmans mais dès que les mosquées apparaissent dans le centre-ville par leur particularité (dôme, minaret) deviennent d’une visibilité dérangeante selon l'auteur.
L’auteur donne l’exemple de la Suisse qui a fait un referendum contre la construction des minarets et de Cologne qui a décidé de construire une mosquée à côté d’une cathédrale. Le premier pays interrompe le processus d’interaction par la régulation de l’espace public alors que le deuxième au contraire favorable à la construction de la mosquée a permis une mobilisation de la part des habitants musulmans pour la collecte d’argent, la demande de permis de construire, la réflexion sur l’architecture qui a fait émerger des traits propres à l’Islam européen, et le fait d’engager un architecte allemand a fait preuve d’interaction et de tissage entre citoyens.
Pour l'auteur, la mosquée de Cologne a marqué le changement de la représentation de la mosquée en Europe qui est apparue comme un lieu de partage et de cohabitation. L’acceptation de la nouvelle architecture par les occidentaux ne transmet-t-elle pas un autre message qui incite les musulmans à changer toute apparence se référant à l’Islam pour être accepté en Europe. Une autre façon de réflexion par l'auteur sur les questions fondamentales de l'Islam.
A suivre ...
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